Les AINS tels que l’Oki, le Brufen et le Moment sont efficaces, mais pas sans danger : ils peuvent multiplier par cinq le risque d’ulcères et de saignements.
Lorsque nous sommes affectés par un mal de tête, des douleurs menstruelles ou musculaires, beaucoup d’entre nous se précipitent pour prendre un Oki, un Moment ou un Brufen. Ce sont des médicaments en vente libre, que l’on trouve partout, et leur efficacité est indéniable. Cependant, tout le monde ne sait pas que ces médicaments appartiennent à la famille des AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) et que, s’ils sont pris sans les précautions nécessaires, ils peuvent causer de graves dommages au tractus gastro-intestinal.
Une vaste revue scientifique publiée dans Rheumatology par le gastro-entérologue Angel Lanas a analysé des décennies de données cliniques, révélant que ces médicaments, bien qu’indispensables pour de nombreuses pathologies, comportent un risque significatif d’ulcères, de perforations et de saignements tant dans l’estomac que dans l’intestin.
Que se passe-t-il réellement dans le tractus gastro-intestinal lors de l’utilisation d’AINS ?
Lanas explique que les AINS, même aux doses couramment utilisées pour les douleurs articulaires ou les maux de tête, peuvent augmenter le risque d’ulcère peptique d’environ cinq fois et celui de saignement gastro-intestinal de quatre fois par rapport aux personnes qui n’en prennent pas.
Ces effets secondaires ne se limitent pas à l’estomac : en effet, ces dernières années, la médecine a découvert que les complications intestinales « basses » — telles que les inflammations, les pertes de sang, les perforations ou les occlusions du côlon — sont en augmentation.
Selon l’étude, parmi les patients traités par AINS :
- 24 % développent des ulcères gastriques ou duodénaux, souvent sans symptômes apparents ;
- Environ 4 patients sur 100 peuvent présenter des complications graves, telles que des hémorragies, chaque année ;
- La mortalité associée à l’utilisation d’AINS ou d’acide acétylsalicylique (aspirine) est estimée à environ 5,6 %, soit 15 décès pour 100 000 utilisateurs, un chiffre comparable à celui des accidents de la route ou des accidents par arme à feu.
Cependant, le chiffre le plus préoccupant est un autre : de nombreux patients ne ressentent aucun symptôme avant une complication grave. Dans une étude portant sur 235 personnes souffrant d’ulcères perforés ou hémorragiques, plus de la moitié (58,2 %) n’avaient jamais ressenti de troubles gastriques avant l’épisode.
Les COX-2 et les gastroprotecteurs peuvent-ils réduire les dommages ?
Afin de réduire ces risques, des AINS sélectifs COX-2, tels que le célécoxib, ont été introduits au fil des ans. Ils agissent sur l’inflammation tout en épargnant en partie la muqueuse gastrique. Cependant, comme le souligne Lanas, l’avantage des COX-2 disparaît lorsqu’ils sont pris en association avec de l’aspirine ou d’autres médicaments cardiovasculaires.
Les lignes directrices internationales recommandent deux stratégies principales pour les personnes à risque :
- Prendre un AINS traditionnel en association avec un gastroprotecteur (tel qu’un inhibiteur de la pompe à protons, par exemple l’oméprazole ou l’ésoméprazole) ;
- Utiliser un COX-2 seul, toujours sous contrôle médical.
Une étude clinique menée sur 441 patients à haut risque a démontré que l’association entre un COX-2 et un gastroprotecteur offre la protection la plus efficace contre le risque de saignements et d’ulcères récurrents, sans augmenter les effets secondaires.
Pas seulement l’estomac : les AINS endommagent également l’intestin, souvent de manière silencieuse.
Pendant longtemps, on a pensé que les dommages causés par les AINS se limitaient à l’estomac.
Aujourd’hui, nous savons que l’intestin grêle et le côlon peuvent également être gravement touchés.
La revue rapporte que :
- Les ulcères intestinaux sont présents chez jusqu’à 8 % des patients qui prennent régulièrement des AINS ;
- Le risque de saignement intestinal est 2 à 3 fois plus élevé que chez les non-utilisateurs ;
- Les lésions peuvent provoquer une malabsorption, une diarrhée, une anémie ou une perte de protéines.
De plus, jusqu’à 70 % des patients peuvent développer des micro-lésions intestinales visibles uniquement à l’aide de techniques diagnostiques avancées, telles que la capsule endoscopique. Ces lésions, souvent asymptomatiques, peuvent entraîner une anémie chronique, une diminution de la force musculaire et de la fatigue, avec un impact significatif sur la qualité de vie.
Pendant des années, les études sur les AINS se sont concentrées uniquement sur les ulcères gastriques et duodénaux.
Aujourd’hui, cependant, les chercheurs ont introduit un nouveau paramètre d’évaluation : les CSULGIEs (Clinically Significant Upper or Lower GI Events), c’est-à-dire les « événements gastro-intestinaux cliniquement significatifs, supérieurs ou inférieurs ».
Cette nouvelle approche prend en compte l’ensemble du tractus gastro-intestinal — de l’estomac au côlon — et inclut non seulement les saignements et les perforations, mais aussi l’anémie ou les pertes occultes de sang d’origine intestinale.
L’étude CONDOR, qui a appliqué cette méthode pour la première fois, a montré que le médicament celecoxib provoque moins de complications gastro-intestinales globales que l’association diclofénac + oméprazole chez les patients atteints d’arthrite.
Que pouvons-nous faire dans la pratique ?
Il n’est pas nécessaire de diaboliser les AINS : ce sont des médicaments précieux et, s’ils sont bien utilisés, sûrs pour la plupart des personnes. Cependant, il est essentiel de garder à l’esprit certaines règles :
Ne jamais les prendre à jeun ;
Éviter l’alcool pendant le traitement ;
Ne pas les associer à d’autres médicaments sans consulter votre médecin (en particulier les anticoagulants, les diurétiques, les sartans, les inhibiteurs de l’ECA) ;
Si vous les utilisez souvent ou pendant de longues périodes, demandez à votre médecin d’envisager un gastroprotecteur ou une alternative thérapeutique.

